038. Se raconter sans cesse

Maupiti (Polynésie française, archipel de la Société, sous-archipel des îles Sous-le-Vent)
Motu Tiapaa
Samedi 22 novembre 2008, 11h

A force d’avancer, nous gagnons en expérience. Nous voyageons depuis quatre mois déjà, nous pouvons donc être pris au sérieux. Une telle longévité donne du corps à notre discours et les gens commencent à nous écouter. Ils en redemandent même, ils nous questionnent, à tel point que ça en devient fatigant. Je réalise que nous devrions les faire payer pour entendre nos histoires – d’ailleurs, je réalise que l’accès à ce blog devrait être payant.

En Indonésie, nous étions encore peu expérimentés ; en Nouvelle-Calédonie, nous nous cantonnions généralement au cercle familial ; en Nouvelle-Zélande, nous roulions dans notre camping-car et nous ne parlions pas aux gens (ou peu et dans un anglais sans subtilité). Mais depuis que nous parcourons les Îles de la Société, nous rencontrons de nombreux francophones bavards (des touristes, des Polynésiens, des métropolitains venus s’installer ici). En général, ils s’emmerdent comme des rats morts alors ils aiment bien discuter avec nous.

Comme les gens insistent et comme, en quelque sorte, ils nous demandent des comptes, nous sommes bien forcés de leur répondre. Evidemment, nous préférerions nous taire et leur envoyer au visage nos tasses pleines de café bouillant, avant d’aller uriner sur leurs matelas à la tombée du jour, histoire de leur plomber la nuit. Mais notre éducation nous détermine à bien agir et à répondre à leurs questions poliment. Nous devons nous raconter sans nous la raconter.

Chemin faisant, notre discours s’affine. J’en trace ici les grandes lignes – de quoi méditer avant Noël :

"Nous sommes en Polynésie pour quatre semaines… Nous avons pris un pass avion pour visiter les Îles de la Société… Oh ! oui, c’est très beau… Ah ! oui, c’est cher, c’est sûr… Mais c’est beau"

"En fait, on fait un voyage de cinq mois au total… Non, on fait pas vraiment un tour du monde, enfin si, mais pas vraiment… [Et là nous détaillons notre parcours, parce que nous sommes patients.] Dans quoi on bosse ? Euh… Ben là en fait on a démissionné… Euh, non on n’a pas vraiment de plan pour notre retour… On verra, quoi… Ah ouais, c’est sûr, y a la crise, tout ça… Mais on verra bien…"

"Il est beau le lagon, hein ? Il est bien bleu ! Mais le soleil, hou lala, ça chauffe, hein ? Attention aux coups de soleil…"

"Sinon les gens sont vraiment sympas ici… Discrets, un peu timides, mais sympas… Par contre, qu’est-ce qu’ils sont gros ! S’ils cherchent le gène de l’obésité, ils ont qu’à venir le chercher en Polynésie… Oui, cela dit, c’est culturel aussi : si tu voyais ce qu’ils bouffent ! [Oui, car ici on se tutoie, c’est l’usage, même entre inconnus.] En même temps, je te garantis que quand ils pêchaient leur poisson et quand ils faisaient pousser leur igname eux-mêmes, ils devaient pas être aussi gros… C’est sûr qu’aller faire ses courses au supermarché et rouler en 4×4, ça fait pas dépenser beaucoup de calories… Non, mais j’avoue, c’est sûr, la civilisation occidentale, ça les tue à petit feu… Les biscuits, les sodas, les crackers, tout ça : c’est pas bon pour eux… Mais ils sont bien gros quand même…"

"En Nouvelle-Calédonie, tu vois, les Mélanésiens ils sont vachement plus réservés, limite asociaux… Et puis ils sont pas très beaux… Mais ils sont moins gros…"

"Nous, on a beaucoup aimé l’Indonésie… On y a passé deux mois… En même temps, je crois qu’on peut pas vraiment parler de l’Indonésie au singulier, parce qu’en fait y a plusieurs Indonésies… Et nous, on n’en a visité qu’un tout petit bout finalement… Mais bon, y a quand même des points communs entre tous les Indonésiens quand tu regardes (sauf peut-être les Papous et les habitants d’Aceh)… Mais sinon, qu’ils soient hindous, musulmans, chrétiens, ils ont tous cette espèce de sens du service et de la relation humaine… Alors c’est sûr, ils le font pour de l’argent… Mais au moins, ils font quelque chose, ils s’activent… C’est pas des glandeurs, eux… Ça doit être leur côté asiatique, ça, un peu chinois sur les bords…"

"Bon, c’est pas tout ça mais on va aller dormir là… Il est quand même huit heures et quart… On va encore se faire réveiller par les coqs à trois heures du mat ! Je sais pas ce qu’ils ont, ces coqs, ils doivent être un peu cons… Chez nous, les coqs, ils sont normaux, tu vois : ils chantent quand le soleil se lève, et puis voilà… Ici, ils hurlent toute la nuit – à trois heures, à quatre heures, à cinq heures –, c’est infernal… Demain, si j’en vois un qui dort dans son poulailler, je lui jetterai de l’eau sur la gueule…"







3 commentaires:

Anonyme a dit…

Y a plus de commentaires... T'as perdu ton public avec le crabe de terre j'ai l'impression. Les gens veulent du sensationnel, tu devrais recycler ton post sur les affiches pizza hut dans le métro.

Jonath a dit…

C'est pas faux. Et pourtant, cet article et le suivant sont assez géniaux. Je mets tout de suite le lien vers l'article sur les affiches Pizza Hut, on sait jamais , ça pourrait relancer l'audience...

http://journaldejonath.over-blog.com/article-1697094.html

Anonyme a dit…

Ah la la, ça a pas pris une ride ce truc. mais là personne n'en profite.

Tu peux pas le mettre sur ton blog pour de vrai comme un vrai post ?
Allez stp pour mon anniversaire.